LE VIEUX PONT
Le vieux pont de Bélâbre qui ne manque pas de pittoresque avec sa chaussée et son dos d’âne, ses nombreuses arches de formes différentes et ses parapets en madriers de chêne, est évidemment fort ancien. Malgré de minutieuses recherches, nous n’avons pu trouver aucune trace de l’époque où il aurait pu être jeté sur l’Anglin; il n’y est fait aucune allusion dans les documents qu’il nous a été donné de consulte; et il faut arriver à la grande crue de 1792 pour trouver mentionnées son existence et sa partielle destruction. Deux arches furent emportées par les eaux et l’on dut organiser aussitôt un service de passage.
En janvier 1793, Merlaud prend ce service en adjudication, moyennant 110 livres qu’il s’oblige à verser: il percevra 12 deniers sur tout voyageur étranger, « les gens de Bélâbre et de Jauvard payant le tarif en usage ».
Barnaud, en l’an VI, Pierre Chapt, en l’an IX, obtiennent des indemnités pour le passage des gens dans le jardin et le pré par où l’on accède au bateau: toute la période révolutionnaire s’était écoulée sans qu’on ait pu procéder à une réparation même sommaire.
On y pense, cependant; il est question, en thermidor an IX d’un emprunt, d’une souscription volontaire d’un appel au gouvernement pour prendre 180 pieds d’arbres dans les bois de la Nation et reconstruire les arches écroulées; mais rien ne se fait et l’on semble se résigner au provisoire; car, en l’an XII, il est question d’acheter « le bateau des Lecoigneux, qui passe bœufs et charrettes ».
Enfin, le 6 juin 1808, le gros du travail de réparation est fait; il n’y a plus que les garde-corps et le pavage à effectuer; et, comme deux noyades se produisent sur ces entrefaites, le sous-préfet invite le maire « à activer la construction des parapets, à exciter le zèle des souscripteurs et à hâter la rentrée des souscriptions ».
Il a donc fallu seize années pour que Bélâbre et Jauvard retrouvent des communications faciles entre les deux rives de leur cours d’eau.
Mais la solidité du tablier reste précaire; en 1817, on doit faire une réparation de 2.700 francs; et, en 1835, le travail est à reprendre; 2.000 francs .sont votés; le marquis donne 600 francs; on achète 92 soliveaux; on reconstruit en pierres de taille une pile qu’on reconnaît être en mauvais état. En 1838, le travail de reconstruction, qui a coûté un total de 5.162 F, est fini par l’établissement d’une passerelle sur la rive gauche, afin de faciliter la circulation des piétons au moment des crues.
Mais il est dit que le vieux pont de Bélâbre coûtera des soucis constants aux administrateurs de la commune; en 1859, on estime que 7.000 francs seront à peine suffisante pour sa réfection totale; et, en 1876, M. Rabussier se rend adjudicataire, pour 5.291 F 15, des travaux qu’on doit y effectuer. Chacun sait aujourd’hui, plus que jamais, le problème de la conservation de ce vénérable ouvrage reste posé.
LE PONT NEUF
Il date des dernières années du second empire; sa première pierre a été posée et bénie par le curé Défausse, le 21 mai 1867. La hauteur et l’ampleur de ses arches font qu’il ne risquera jamais de nuire à l’écoulement des eaux pendant les plus grandes crues. Le service des ponts et chaussées crut utile, au surplus, d’élargir le lit de l’Anglin en bordure des prés voisins, par l’établissement d’une nouvelle berge formant ligne droite entre la pointe du barrage du moulin et le coude assez prononcé que fait l’Anglin en amont de la culée du pont, sur le rive droite. Aux basses eaux, on distingue très bien la partie nouvellement immergée et l’ancienne bordure à pic de la prairie.
L’établissement de ce pont solide tout en pierre taillée et destiné à défier les années, changea complètement l’aspect de ce coin de Bélâbre. Son talus d’accès, planté d’acacias, constitue en été une agréable promenade, toujours ombragée dominant la vaste prairie de la Quintaine, dont les Bélâbrais sont fiers.
Et pourtant, l’inauguration de cette nouvelle « traverse » ne réjouit pas l’unanimité de la population, car les habitants « du Bout du pont » s’aperçurent vite du délaissement dans lequel tombait leur quartier. Ils s’en plaignirent amèrement (12 nov. 1872) et demandèrent le classement du chemin de la Tuilerie... Un progrès fait toujours quelques victimes.
Textes tirés de la monographie de Bélâbre
de Maxime Jules Berry